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Le blog  des echos

Les chants de la Tassaout de Mririda N’Aït Attik

22 Juillet 2011 , Rédigé par Dzecho Publié dans #LES ECRITS DE TAMAZGHA

Traduit du dialecte Tachelhaït par René Euloge, Mririda est poétesse Amazighe. En 1927, René Euloge, instituteur français dans le Haut-Atlas marocain, découvre ce majestueux personnage. J’ai moi-même découvert Mririda par le biais de Bernard Cesari, éditeur de Ibis-Press. J’ai été tout simplement emportée par la grâce authentique et translucide de cette femme. Il est triste qu’une figure poétique aussi puissante ait été ignorée par ceux qui ont écrit l’histoire. Comparable à Sappho, qui est inventrice du plectre, de chants d’amour et de désir, Mririda incarne la même parole delphique.

La vallée du Haut-Atlas de la Tassaout où coule une rivière caressée par des oliviers et des caroubiers, entre forêts et montagnes enneigées, à 70 Km à l’Est de Marrakech, sur la route d’Azilal, porte encore la force d’une âme.

A 4072m est née une source du nom de Tassaout où vécut Mririda, une poétesse berbère. Publié aux Editions de la Tigherm, en 1956, l’éditeur a eu l’excellence initiative de présenter une photographie d’elle datant de 1940.

Après la guerre, en 1946, René Euloge ne l’a jamais plus retrouvée. Il prit soin de traduire mot à mot chaque poème, fasciné par le charme magnétique de cette créature, déchiffrant ses vers, sans savoir encore que l’ensemble de son travail constituerait une œuvre légendaire.

Voici ce que René Euloge en dit : « Je n’ai pas eu la mauvaise ambition de présenter ces poèmes du Haut-Atlas autrement qu’ils sont, frustres dans la forme et dans les mots. Aussi bien me suis-je gardé de les métamorphoser en vers français, rimés avec art, alors qu’ils abritent le plus souvent sous une forme à peine arrêtée une prosodie fantaisiste se contentant d’assonances approximatives. C’eût été les trahir deux fois. »

Fadéla Hebbadj

LA MEDISANCE

Maudits soient la langue et son venin !
Personne n’y était. Et pourtant on dit :
On dit que le vieil amghar a engrossé sa bergère
On dit que celui-là volait dans son jeune âge
On dit que cet autre empoisonna son gendre
Et que le moqaddem étrangla sa maîtresse
On dit que Ba Aksoum mange du sanglier
Et que le Juif Ichou fait de la fausse monnaie
On dit que le Caïd et la femme du Hakem
On dit que le Cadi, le jour des Crânes
Personne n’y était. Et pourtant on dit…
L’oreille est complaisante à la médisance
Maudits soient la langue et son venin !
Mririda a fini sa vie dans un village, en traçant et retraçant des cercles autour d’elle, en totale solitude. Mais son œuvre reste vivante et divine par sa complétude et ses effets. Une sorte d’essentielle beauté anime ses poèmes. Parce qu’elle dit la vérité sur les multiples liens qui unissent les hommes et les femmes, même si la poésie et la morale ne s’associent pas. Il y a un impératif poétique, un impératif artistique, à scander la réalité telle qu’elle est. Mais il faut être libre pour réussir à la trouver.

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